L'architecture de terre a d'indéniables qualités : disponibilités
des matériaux, adaptation aux besoins locaux, grandes qualités
thermiques. Elle nécessite un investissement réduit en équipement;
et donc des coûts moindres.
Ce type d'habitat doit s'adapter aux conditions locales liées au climat,
à la présence de l'eau et à la présence des matériaux
: la terre et les pierres.
La construction en terre exige une parfaite maîtrise de l'art de bâtir,
un entretien et une restauration régulières. En effet, cet habitat
fragile résiste mal au temps.
Malheureusement, les immigrés de retour au pays, se doivent d'afficher
leur "richesse" et leur "prospérité" toutes
relatives en construisant "moderne" c'est-à-dire en abandonnant
la terre au profit de murs en béton et de toits en tôle.
Dans les années 80, une prise de conscience s'est faite en faveur
de la préservation de cet habitat populaire, conçu non pas dans
la recherche de la prouesse architecturale mais dans la recherche d'un maximum
de confort et de protection (climats, conflits entre tribus). Cette prise
de conscience se matérialise aujourd'hui par des créations d'associations,
de coopérations (ex : France-Oman), la collaboration de l'Unesco avec
le gouvernement marocain (le village d'Aït Benhaddou a été
classé patrimoine mondial de l'Unesco en 1987).
La maison regroupe traditionnellement l'ensemble de la famille élargie
; de nos jours, elle tend à ne plus abriter que la famille restreinte.
Elle est conçue pour abriter hommes et bêtes ; l'été
les moutons et les chèvres sont sur les hauts pâturages d'altitude,
l'hiver ils sont enfermés dans l'étable.
En terrain plat, les maisons ont rarement plus d'un étage et l'extension
se fait au sol. Lorsqu'elles sont adossées à une colline, les
étages s'imbriquent et les toits sont utilisés comme terrasse
par les habitants des maisons du dessus. Dans ce cas, l'extension des maisons
se fait par l'adjonction d'étages.
Le rez-de-chaussée est en général réservé
aux animaux (étables et écuries) ainsi qu'aux réserves
; le ou les étages sont réservés aux pièces d'habitation.
Le 1er étage est réservé à la cuisine, par conséquent,
c'est plutôt le domaine des femmes. L'hiver, le métier à
tisser y est installé
la cuisine devient alors la pièce
principale de la maison où tous les habitants se réunissent
autour du feu pendant les froides journées.
Dans les étages supérieurs, les pièces sont réservées
au maître de maison et notamment la pièce de réception,
appelée tamsriyt. Si la maison est haute, un dernier étage peut
être constitué d'une galerie ouverte sur la terrasse. Sur le
toit, on construit parfois une ou deux pièces supplémentaires
qui servent l'été de cuisine ou de chambre. Pour relier toutes
les terrasses entre elles, des échelles rudimentaires, voire même
tout simplement un tronc de noyer taillé d'encoches. Les terrasses
sont également utilisées pour faire sécher les céréales.
L'intérieur des maisons est peu meublé et essentiellement aménagé
avec des tapis et des coussins.
La pièce de réception
La seule pièce spacieuse de la maison est la tamsriyt, chambre pour
l'hôte de passage ainsi que pièce de réception réservée
aux hommes et située au dernier étage. Elle est meublée
de banquettes recouvertes de coussins moelleux, de tables basses et de tapis.
Les murs sont plâtrés et parfois laqués partiellement
de couleurs pastel. Dans les maisons les plus riches, le plafond (en bois
ou en plâtre) est décoré de dessins essentiellement géométriques
aux couleurs vives, parfois agrémentés de motifs floraux ou
de calligraphie, le tout est souvent complété par une frise
en haut des murs.
Ce sont des mâalem (spécialistes et maîtres en la matière)
du versant sud de l'Atlas qui effectuent ces décorations ; ils logent
chez le maître de maison pendant toute la durée du travail. L'ensemble
donne souvent un air de gaîté à la pièce. Le bois
devenant un matériau plus rare et cher, les décors se font souvent
sur des faux plafonds faits de tiges de roseaux recouverts de plâtre.
Les fenêtres sont fermées
par des volets intérieurs en bois souvent ornés de croisillons
de moucharabieh ou de grilles ouvragées en fer qui permettent
de voir sans être vu.
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Le toit est toujours plat et sert de terrasse, de séchoir pour
les céréales ou les noix, de cuisine d'été et
parfois d'aire à dépiquer.
Sa structure initiale est composée de poutres de bois (chêne,
peuplier ou fût de palmier), puis d'une couche de branchages de perches
de genévriers disposés en trame serrée. Cette structure
est recouverte d'une sous-couche végétale (branches de palmier,
bambou ou herbes) et enfin d'une couche minérale constituée
de terre argileuse damnée et très compacte qui garantie l'étanchéité.
Sous l'action de l'eau de pluie, cette argile se gonfle d'eau et constitue
alors une épaisseur imperméable.
Ce type de toit nécessite un entretien constant. Après chaque
pluie importante, il faut réaménager la couche protectrice et
l'hiver le déneigement doit être fait rapidement.
Si l'eau réussit à s'infiltrer, la charpente pourrit et le pisé
se désagrège ; l'étanchéité de la maison
est alors perdue.
Le sol et les cours sont entretenus par les femmes. Outre le balayage, elles passent tous les 3 jours sur le sol une serpillière trempée dans du lait de chaux et de l'argile. Les murs eux sont consolidés avec le matériau local.
Aujourd'hui, afin d'améliorer l'imperméabilité et donc
la résistance des toits et des murs, on adjoint une faible quantité
de ciment ou de chaux.
Tous les ans, on rénove les enceintes et on refait les toits en remplaçant
la couche de terre argileuse et la couche de feuillage.
Malgré un entretien soigneux et régulier, la maison finit par
se détériorer et ne résiste plus aux intempéries.
On préfère alors l'abandonner (elle est parfois transformée
en étable ou en grange) et en reconstruire une nouvelle juste à
côté. Ses ruines ocre font ainsi progressivement partie du paysage.
Les maisons disposent presque toujours d'une aire
de battage.
Si la place manque près de la maison, on trouve alors des aires de battage à l'entrée du village. |
Le ksar est un petit village fortifié. Un chef est élu
pour 2 ans. Des règles de vie commune sont fixées (horaires
d'ouverture et de fermeture des portes, animaux admis à l'intérieur,
constructions autorisées). Les principaux équipements du ksar
sont : le silo à grains, la mosquée et la place du ksar utilisée
pour les fêtes et les grandes réunions.
L'une des maisons sert de "gîte d'étape". Le gardiennage,
assuré à tour de rôle par une famille du ksar, suppose
de fournir gîte et couvert aux hôtes de passage.
Mais le ksar a parfois un sens plus large qui est celui de village.
Le ksar d'Aït Benhaddou, situé à 30 km d'Ouarzazate, est
un véritable enchevêtrement de maisons et de kasbahs, installé
sur un promontoire surplombant l'oued et lui-même dominé par
un grenier en ruine. Il y eut environ 100 familles dans le ksar, il n'en reste
que 5, le village se vide et se meurt. Les maisons s'effritent et les habitants
préfèrent habiter le nouveau village. Il a été
classé en 1987 patrimoine mondial de l'Unesco. La réhabilitation
du ksar est en cours : restauration des passages couverts, de la mosquée
et du pavage des ruelles.
A l'intérieur, chaque famille du village possède une case dont
la clé est détenue par le chef de famille. On y entreposait
la plupart du temps des réserves alimentaires, mais parfois aussi de
la laine ou des vêtements de fête.
Le grenier comporte parfois plusieurs niveaux, dans ce cas les cases sont
à l'étage et accessibles par des échelles rudimentaires
en bois, le rez-de-chaussée étant alors réservé
aux animaux et au bois de chauffage.
Un gardien, qui habite à proximité, surveille les allées
et venues, ferme le grenier le soir et en assure l'entretien. Il est payé
en céréales, en moutons ou en laine.
Certains greniers collectifs pouvaient accueillir jusqu'à 500 personnes
L'ighrem peut également désigner un village entouré de fortifications ou de hauts murs et qui peut comprendre une dizaine d'habitations. Le berbère "ighrem" rejoint donc l'arabe "ksar", plus répandu sur le versant sud du Haut Atlas
Il s'agit du ksar arabe, qui lui s'est progressivement répandu et
que l'on retrouve sur le versant sud du Haut Atlas
On utilise des banches en bois de 2 m de long sur 0,75 m de hauteur. Elles
sont remplies de terre additionnée de chaux et d'eau. Le tout est bien
malaxé, compressé et battu à l'aide d'un maillet en bois
pour assurer sa solidité.
Une fois sec, on peut laisser le pisé tel que avec l'aspect rugueux
et naturel de la terre (pour les murs d'enceinte par exemple). On peut aussi
le protéger avec un enduit terre et/ou argile + chaux (+ parfois un
peu de paille humidifiée) posé à la main et lissé
avec une batte en bois pour les habitations. Parfois des briques cuites sont
utilisées en renfort d'angle.
La banche est posée et fixée sur le mur à construire
; la terre est prélevée sur le lieu de construction, chargée
dans des couffins et versée dans la banche. La terre est d'abord compactée
avec le pied puis avec le maillet. La banche est ensuite démontée
et remontée à côté. En une journée, on fait
3 à 4 banches.
Le pisé est un excellent isolant face aux températures extrêmes. Les murs stockent et rendent l'humidité de l'air ambiant : ce sont des régulateurs. Le pisé a une très longue inertie thermique qui réduit ainsi l'amplitude thermique. Il restitue avec beaucoup de retard le froid emmagasiné la nuit ou la chaleur emmagasinée le jour.
Cependant ce matériau résiste mal à l'altitude, au froid
et à l'humidité. Ainsi plus on monte en altitude, plus le pisé
est remplacé par la pierre sèche, parfois sur un seul mur ou
uniquement sur le soubassement
puis dans les villages les plus hauts
pour l'ensemble de la construction, d'autant que l'eau et la terre servant
à la fabrication du pisé se font rares.
La brique d'abode est souvent utilisée pour surmonter des maçonneries
en pisé et faire des corniches en haut des murs.
Il s'agit d'une brique de terre crue, moulée et séchée
au soleil. La terre est choisie avec soin (pour sa robustesse, sa granulométrie
et son homogénéité). Cette terre composée d'argile
et de sable est parfois mélangée à de la chaux, de la
paille ou de la cendre. Elle est mouillée et malaxée avec les
pieds afin d'obtenir une ??? homogène, puis elle est coulée
dans des moules en bois en forme de brique et doit sécher plusieurs
jours. Un artisan peut fabriquer environ 1500 adobes par jour.
La brique d'adobe ayant une résistance toute relative, pour les entourages
d'ouverture, les angles des murs, les voûtes et les coupoles, on doit
recourir à des briques plus solides : on utilise alors les briques
cuites.
On construit le four autour des briques à cuire. La plupart du temps,
la cuisson se fait par combustion de feuilles de palmier ou de déchets
d'olive. En fin de cuisson, le four est démoli pour récupérer
les briques.
On trouve maintenant des briques de terre comprimées à l'aide
de presse. Elles sont beaucoup plus solides, et on évite ainsi l'étape
de cuisson qui est très polluante (surtout avec les déchets
d'olive).
La chaux est obtenue en faisant chauffer du calcaire, à 200°C
on obtient du plâtre et à 1 000°C de la chaux (qui brûle
pendant 2 à 3 jours).
La chaux est un liant facile à travailler et qui respecte les qualités
thermiques de la terre. Elle résiste aux changements climatiques, limite
les fissures, a une action désinfectante et évite la prolifération
des parasites et des champignons.
Dans le Rif, à Chefchaouen, elle est mélangée à
du bleu de cobalt et de l'huile de lin et recouvre les murs de la plupart
des maisons.
C'est un revêtement mural intérieur, souvent utilisé
dans les hammams grâce à son étanchéité.
Aujourd'hui très à la mode, on le retrouve notamment dans les
salles de bains de certains hôtels et de ryads. Son utilisation est
appréciée dans les maisons du sud grâce à ses propriétés
isothermiques
Cette technique était déjà utilisée sous la dynastie
Almohade.
Le mur est d'abord recouvert d'un mélange de chaux pure naturelle finement
tamisée (la chaux de Marrakech est particulièrement réputée)
et de sable fin, à laquelle s'ajoute une couche de chaux et de poudre
calcaire. La troisième couche permet de rajouter les pigments de couleur.
Ensuite on lisse et polit avec un galet. La finition se fait en nettoyant
le revêtement avec du savon noir et de l'uf, ce qui donne son
aspect brillant et craquelé. Si on ne souhaite pas de craquelures,
on retire alors l'uf et on passe une couche de cirage.
Le résultat donne un revêtement d'aspect satiné, agréable
à l'il et très doux au toucher : le mot dlek signifie
en arabe "masser".
Il s'agit d'un sol en terre battue stabilisé à la chaux. C'est
le sol par excellence des maisons pauvres dans les campagnes.
La chaux est mélangée à du sable et à de l'eau.
Elle est appliquée en couche épaisse, damée et polit
avec une pierre. On obtient un sol dur et résistant à l'aspect
marbré et parfois légèrement teinté, si on a rajouté
des pigments.
Il est utilisé pour les volets intérieurs, pour les portes
qui sont parfois sculptées et pour les poutres des toits.
Dans l'Atlas, en fonction de l'altitude, on trouve du chêne vert jusqu'à
2400 m d'altitude, du pin d'Alep et différentes espèces de genévriers.
Le plus caractéristique de tous est le genévrier thurifère
qui pousse à plus de 3000 m et donc le tronc peut atteindre jusqu'à
10 m de circonférence.
Mais les forêts sont aujourd'hui fortement dégradées ;
le bétail broute les jeunes branches, les paysans incendient les forêts
pour étendre leurs cultures et les villageois ramassent le bois comme
combustible pour la cuisine et le chauffage. Des tentatives sont faites pour
protéger les forêts, reboisement, coupe du chêne vert autorisé
uniquement comme bois de charpente.
L'important pour un mur de terre est de prévoir une bonne étanchéité en bas du mur, avec des fondations en pierre pour éviter les remontées d'eau venant du sol et de protéger le haut du ruissellement d'eau de pluie.